| Abordage survenu le 28 juin 2003 à Tousson (77) entre
le planeur Grob G102-77 Astir immatriculé F-CFIR et le planeur Centrair 101-A Pégase immatriculé F-CHGM |
| RAPPORT f-ir030628 |
| Evénement : |
Abordage en vol entre planeurs. |
| Conséquences et dommages : |
Un pilote décédé, deux aéronefs détruits. |
| Aéronefs : |
F-CFIR : Grob G102-77 Astir. F-CHGM : Centrair 101-A Pégase. |
| Date et heure : |
Samedi 28 juin 2003 à 15 h 45. |
| Exploitants : |
Clubs. |
| Lieu : |
Tousson (77). |
| Nature des vols : |
Circuits. |
| Personnes à bord : |
F- CFIR : pilote. F-CHGM : pilote. |
| Titres et expériences : |
Pilote du F-CFIR : VV de 2002, 124 heures de vol. Pilote du F-CHGM : VV de 2001, 140 heures de vol dont 4 h 40 dans la semaine précédente. Tous deux ont été formés au sein de la même structure (Association Vélivole du Val-d'Essonne). |
| Conditions météorologiques : |
Relevées à la station météorologique de Melun-Villaroche (située à environ 20 NM du site de l'accident) à 14 h 00 : visibilité 15 kilomètres, vent du 030°/2 kt, rafales 8 kt, FEW CU à 4 600 pieds, FEW CI à 24 000 pieds, température 25 °C, point de rosée 13 °C, QNH 1014 hPa. Soleil à une hauteur de 56°. |
Circonstances
Les planeurs ont décollé de l'aérodrome de Buno-Bonnevaux pour effectuer des vols en circuit à vingt-cinq minutes d'intervalle.
Le Pégase est de retour des environs d'Etampes et l'Astir en local de Buno-Bonnevaux. Le Pégase est en croisière, en début d'inclinaison à droite pour rejoindre le voisinage d'un cumulus potentiellement générateur d'ascendance. Son pilote aperçoit tardivement l'Astir incliné à gauche.
Alors que le pilote du Pégase entame une manoeuvre d'évitement, il ressent un choc à l'arrière ; les deux planeurs se sont heurtés.
Le Pégase part en piqué prononcé ; son pilote parvient à sauter en parachute. L'Astir part en piqué prononcé et heurte le sol ; son pilote est décédé.
Examen du site et des planeurs
Les deux planeurs ont été retrouvés dans des champs plats de cultures basses. Ils sont distants d'environ cinq à six cent mètres. Les empreintes au sol montrent que les deux planeurs sont arrivés avec de fortes assiettes à piquer, à vitesse élevée, sans qu'il soit possible d'en donner un ordre de grandeur.
Examen du planeur Pégase
L'empennage du Pégase est endommagé. Un morceau manque dont la majeure partie est retrouvée à proximité de l'épave principale, les quelques fragments restants étant retrouvés dans un rayon de trois cents mètres. Les aérofreins sont sortis.
L'intrados de l'aile gauche porte des traces de gelcoat rouge orangé. Ces traces parcourent la voilure en oblique, du bord d'attaque à 1,20 m de l'emplanture vers la racine du bord de fuite.
Sur le dessus du fuselage, en arrière du raccord de voilure (Karman) gauche, on trouve le même dépôt rouge orangé.
Sur le flanc gauche de la dérive, les lettres de concours « BAF » ont été frottées et le transfert de ces lettres de couleur bleue est apparent sur plusieurs centimètres.
L'intrados du plan fixe horizontal gauche porte des traces de frottement obliques qui suivent la même direction que celles observées sur l'aile et la dérive, c'est-à-dire de la gauche vers la droite et de l'avant vers l'arrière. Une trace de dépôt rouge sombre est également visible.
L'empennage horizontal a été séparé du sommet de la dérive par arrachement de sa fixation. La dispersion des pièces issues de la profondeur indique que l'empennage a commencé à se fragmenter au moment de la collision et que l'arrachement final a eu lieu peu de temps avant l'arrivée au sol ou à ce moment.
Examen du planeur Astir
L'avant du fuselage de l'Astir est brisé jusqu'au bord d'attaque des ailes. L'aile droite est séparée du fuselage, l'empennage, rompu, est resté attaché au reste de la cellule. Les commandes de vol sont continues. Tous les endommagements structurels sont la conséquence de l'impact avec le sol.
La verrière manque. Seul subsiste son cadre, verrouillé, en place. Parmi les débris retrouvés à proximité de la cellule, aucun ne provient de la verrière. Aucun débris de verrière n'a été retrouvé dans les champs avoisinants.
Le nez, de couleur rouge orangé, porte les traces d'un frottement oblique dont l'orientation générale est de l'arrière vers l'avant et du bas vers le haut, du côté droit du planeur.
Sur la poutre arrière du fuselage, quatre pastilles autocollantes rouge sombre d'environ quatorze millimètres de diamètre indiquant les prises de pression statique laissent apparaître des traces de frottement et un effacement partiel de la couleur des deux pastilles situées du côté droit du planeur.
Le fuselage porte des traces bleues sous l'emplanture de l'aile droite, au niveau du logement du train principal.
Examen du harnais et du parachute du pilote de l'Astir
Les quatre sangles du harnais sont verrouillées sur la boucle centrale. Les points de fixation, arrachés de la cellule du planeur, sont encore liés au harnais.
L'ensemble des sangles et du sac du parachute est complet. La partie haute du sac est endommagée et porte des traces de coupures. La poignée de sortie est dans sa position initiale, sous son cache fixé par une bande velcro.
L'aiguille qui libère l'extracteur de la voile principale est en place. Le câble qui relie la poignée aux aiguilles est en position. La voile et les suspentes sont retrouvées en partie pliées ; seul un petit morceau de voile est sorti de l'ensemble, très probablement consécutivement à l'impact avec le sol.
Calculateurs de position
Un récepteur GPS a été retrouvé dans le Pégase. Il était trop endommagé pour être exploitable. Un enregistreur de position destiné à la compétition (volkslogger) a également été retrouvé trois jours après l'accident, à une quarantaine de mètres de l'épave principale du Pégase. Il a été examiné en présence de représentants du BEA dans les laboratoires du constructeur de l'équipement.
A la mise sous tension de l'équipement, le menu pertinent a indiqué que la capacité de stockage était égale à la capacité totale de la mémoire disponible pour l'enregistrement automatique des vols. Celle-ci ne contenait donc aucun enregistrement de vol. Une première tentative d'acquisition directe des données au moyen des logiciels prévus pour l'exploitation du volkslogger a été entreprise. Elle a généré le message en langue allemande qui se traduit par « aucun vol n'a été transféré ! il est possible qu'aucune donnée ne se trouve dans le logger. En cas de doute, vérifiez les réglages ».
La puce mémoire a ensuite été extraite de sa carte originelle et replacée sur une carte réputée saine, afin de vérifier qu'il ne s'agissait pas d'une défaillance dans la carte. Cette méthode a donné les mêmes résultats négatifs.
Subsistaient dans cette même mémoire des informations déclaratives (point de départ, point d'arrivée, points tournants, nom du pilote, type d'aéronef, immatriculation). Par ailleurs, une position était enregistrée dans la mémoire de travail du composant GPS (ce dernier a été mis sous tension dans un bâtiment où le récepteur ne pouvait recevoir de signal provenant de satellites GPS). Cette position désigne un point situé à une centaine de mètres du lieu où a été retrouvée l'épave.
Par la suite, la mémoire a été repositionnée sur sa carte originale et l'équipement reconditionné. Plusieurs essais ont montré le fonctionnement nominal de la fonction enregistrement sur cette carte. Au vu de l'expérience en service, le constructeur n'a pas connaissance de modes de défaillance pouvant entraîner l'effacement spontané des données de la mémoire.
L'exploitation de ce calculateur n'a donc pas apporté d'élément pertinent pour l'enquête technique.
Séquence probable de l'abordage des deux planeurs
A partir des observations effectuées sur les deux cellules et du témoignage du pilote du Pégase, il est possible de déterminer la séquence probable de l'abordage des deux planeurs en vol ; seules les inclinaisons relatives entre les planeurs ont toutefois pu être reconstituées.
Ces positions, représentées en trois dimensions, figurent ci-après :
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| Trajectoires de rapprochement |
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| Contact initial vu de face |
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| Contact initial vu de l'arrière |
Le contact initial se produit entre l'avant droit du nez de l'Astir et le bord d'attaque inférieur de l'aile gauche du Pégase. Ensuite, le nez de l'Astir chemine sur l'intrados de l'aile gauche du Pégase en direction du bord de fuite selon un angle voisin de quarante-cinq degrés. Dans cette position relative, on note que l'aile gauche du Pégase est alors située au dessus du poste de pilotage de l'Astir.
Les deux cellules pivotent suivant leurs axes longitudinaux en se mettant « en miroir ». Les dépôts sur les flancs ainsi que sur le côté gauche de la dérive du Pégase ont lieu à ce moment de la séquence : les deux fuselages en rotation frottent l'un contre l'autre. L'écrasement de la verrière de l'Astir a lieu au cours de ce contact. Les débris de celle-ci se dispersent en vol.
La partie arrière du fuselage de l'Astir touche ensuite l'intrados de l'empennage gauche du Pégase, exerce un appui par dessous et l'endommage fortement. Les gouvernes du Pégase n'étant plus disponibles, il part en piqué. Son pilote évacue le planeur.
L'Astir part en piqué prononcé à faible inclinaison et, sans avoir perdu d'éléments, surfaces ou gouvernes, il heurte le sol.
Analyse
Le jour de l'accident, les conditions météorologiques permettaient la pratique du vol à voile. Les conditions d'éclairement étaient bonnes et la position du soleil, encore haut dans le ciel par rapport aux trajectoires des deux appareils, n'a pas constitué un facteur d'éblouissement.
Les deux pilotes connaissaient la région.
Le pilote du Pégase a aperçu tardivement l'Astir qui était en virage à gauche. Son réflexe d'évitement n'a pas permis d'éviter l'abordage.
Il n'est pas possible de dire si le pilote de l'Astir a aperçu le Pégase, mais l'inclinaison de son planeur rendait difficile la vision à l'extérieur du virage.
La perception des planeurs a pu être rendue difficile par leur faible surface visible et leur couleur à dominante blanche qui contraste faiblement avec le milieu au sein duquel ils évoluent. Les charges de travail dans certaines conditions (instruments à surveiller ou à manipuler, par exemple) ou à certains moments du vol (recherche d'ascendances notamment) peuvent aussi avoir altéré la vigilance des pilotes, les conduisant momentanément à relâcher leur surveillance de l'environnement([1] ).
L'écrasement de la verrière de l'Astir et les coupures du haut du parachute d'une part, l'absence de tentative d'extraction d'autre part indiquent que son pilote n'était plus conscient après le choc. Il n'est pas établi que l'Astir était pilotable après la collision, mais l'examen du planeur n'a pas fait apparaître d'endommagements structurels de nature à entraîner à eux seuls la perte de contrôle.
Conclusion
L'abordage résulte de l'absence de perception ou de la perception tardive par les pilotes de l'autre planeur. La proximité des deux planeurs, lorsqu'au moins un des pilotes a aperçu l'autre, et l'effet de surprise n'ont pas permis d'éviter l'abordage. Les attitudes et les positions relatives des deux planeurs ont constitué des facteurs défavorables dans la prévention de cet abordage.
[1] Note : ces divers facteurs avaient déjà été identifiés dans l'étude que le BEA a publiée sur les abordages (étude sur la période 1989-1999). Il en ressortait que la problématique de la détection d'un abordage potentiel, résidait dans l'existence d'angles morts, de la tache aveugle, du seuil de détection de l'autre avion du fait de sa taille apparente, du contraste entre l'aéronef et le fond visuel, de la vision périphérique peu propice à la perception d'objets sans mouvement apparent et avec peu de contraste, et de la gestion de la charge de travail. Cette étude peut être consultée sur le site Internet du BEA : www.bea.aero