ACCIDENT

Accident survenu le 24 avril 2004 à Muret (31)

aux avions immatriculés F-AZVS et F-SEYO

RAPPORT f-vs040424

 

Evénement :

abordage avec un avion sur le taxiway.

Causes identifiées :

relâchements de vigilance lors du roulage,

diffusion d'informations erronées de la part du pilote.

Cause probable :

environnement du poste de travail du contrôleur entraînant une charge de travail excessive.

Facteur contributif :

défaillance dans les transmissions de messages sol-sol.

Conséquences et dommages :

1- F-AZVS : bord d'attaque, hauban, hélice endommagés,

2- F-SEYO : gouverne de direction, empennage horizontal détruits. Impact d'hélice derrière la verrière.

Aéronef :

1- avion CASA Bücker 131 à train classique,

2- avion SOCATA TB 30 "Epsilon".

Date et heure :

samedi 24 avril 2004 à 16 h 00.

Exploitant :

1- privé,

2- Armée de l'Air.

Lieu :

AD Muret (31).

Nature du vol :

1- voyage,

2- entraînement.

Personnes à bord :

1- pilote + 1,

2- pilote.

Titres et expérience :

1- pilote, 62 ans, PPL de 1997, 450 heures de vol dont 315 sur type et 11 heures dans les trois mois précédents,

2- pilote, 28 ans, brevet de pilote militaire du 2° degré (équivalent CPL) de 1998, 1 370 heures de vol, 570 sur type et 70 heures de vol dans les trois mois précédents,

- contrôleur, 41 ans, qualification de contrôleur d'aérodrome de 2000.

Conditions météorologiques :

vent 340° / 06 à 14 kt, visibilité supérieure à 10 km, FEW à 3 000 pieds, température 18 °C.

Circonstances

Lors des répétitions des vols du meeting aérien devant se dérouler le lendemain, un Alphajet évolue au-dessus des installations. Pendant ce temps le pilote du Bücker, en provenance de Millau (12), contacte par radio le contrôleur de l'aérodrome et l'informe de son intention d'atterrir. Le contrôleur indique au pilote que la Zone Réglementée Temporaire (ZRT) est active et lui demande de rester en dehors jusqu'à nouvel avis. Environ huit minutes plus tard, dès que l'avion de l'Armée de l'Air a terminé son entraînement, le contrôleur informe les pilotes des trois aéronefs en attente hors de la ZRT qu'ils peuvent revenir vers les installations. Le pilote du Bücker se reporte alors en étape de base main gauche pour la piste 30. Il atterrit et dégage la piste en empruntant la bretelle C (voir plan en annexe 1).

Les phrases suivantes sont extraites de la transcription des échanges radio entre le pilote et le contrôleur :

15h58'51‘' : VS, vous roulez, euh, vous venez à quel titre?

15h58'57‘' : VS, je suis, euh, en statique pour demain.

15h59'06'' : Reçu, donc VS, bien, vous roulez vers l'extrémité des parkings.

15h59'18'' : CY, finale 30 pour un complet.

15h59'23'' : Oui donc Bücker VS, donc il y a un placeur qui va vous guider pour vous positionner.

Le directeur des vols de la manifestation aérienne présent aux côtés du contrôleur, lui confirme que des Buckers sont attendus et que celui-ci doit être l'un d'eux. Le directeur des vols est en contact radio avec le chef de piste, responsable des placeurs, sur une fréquence différente des fréquences de l'aérodrome. Il demande au chef de piste de prendre en compte cet avion et de le faire stationner au parking d'exposition statique. Le chef de piste répond que cet avion n'apparaît pas dans la liste des avions attendus et qu'il ne fait pas partie de la manifestation. Le directeur des vols et le contrôleur ne reçoivent pas ce message car la batterie de la radio VHF portable du chef de piste est faible. Elle permet uniquement la réception. Le chef de piste demande alors aux placeurs de guider le Bücker vers les parkings "clubs".

Pendant ce temps, le pilote débute le roulage sur le taxiway. L'avion offrant au sol une visibilité très réduite vers l'avant, le pilote doit slalomer pour se diriger. Il passe devant les placeurs et poursuit vers les parkings situés à l'extrémité est des installations. En fin de roulage, sur le taxiway, il aperçoit, sur le parking, le Bücker de l'ami à qui il vient rendre visite. Le pilote explique qu'à ce moment il relâche son attention, arrête de slalomer, et ne voit pas les trois Epsilons en attente au point d'arrêt de la piste 30. Le Bücker heurte la partie arrière du troisième Epsilon (voir photographie en annexe 2).

Organisation du meeting

Un NOTAM informe les pilotes de la création d'une zone réglementée temporaire centrée sur l'aérodrome à l'occasion de la manifestation aérienne. Le jour de l'accident la pénétration dans cette zone est soumise à l'autorisation du contrôle aérien.

La liste des avions participants à la manifestation, en statique ou en vol, n'avait pas été remise au contrôleur.

Le trafic et les personnes présentes aux abords de l'aérodrome en raison de la préparation de la manifestation génèrent une animation inhabituelle.

Organisation de la tour de contrôle

Le contrôleur explique que les fréquences tour et sol avaient été regroupées et qu'il était seul en fonction à ce moment-là. Parmi ses fonctions, il est chargé d'assurer l'anti-abordage et l'anti-collision sur l'aire de manuvre1.

Dix secondes après avoir demandé au pilote du Bücker de se mettre aux ordres du placeur, il reçoit un appel téléphonique de coordination du contrôle de Francazal.

A ces activités de contrôle viennent s'ajouter des tâches annexes liées aux conditions particulières de la répétition. Le contrôleur doit par exemple fréquemment communiquer par interphone avec les personnes souhaitant accéder à la salle de briefing des équipages et leur ouvrir à distance la porte d'accès au bâtiment de la tour de contrôle.

Le directeur des vols, présent à ses côtés, n'a aucune tâche officielle la veille du meeting. Il doit uniquement contrôler les répétitions de certains avions civils.

Analyse

Après avoir demandé au pilote de se laisser guider par les placeurs, le contrôleur relâche sa vigilance sur cet avion, d'autant plus qu'il pense que le pilote va être guidé par les placeurs. Sa charge de travail, dans le contexte de la préparation de la manifestation aérienne, ne lui permet pas d'assurer sereinement l'anti-abordage sur l'aire de manuvre.

L'absence de collationnement du pilote n'a pas permis de lever les doutes sur le placement de l'avion. En effet ne connaissant pas l'emplacement prévu pour le Bücker, le contrôleur a demandé au pilote de se laisser guider par les placeurs. Cette information n'a pas été collationnée.

Le pilote sait qu'il arrive sur un aérodrome dont l'activité était particulière du fait de la préparation du meeting. Il annonce à la fréquence qu'il vient pour l'exposition statique alors qu'il n'est pas prévu à la manifestation. Après l'atterrissage, il ne sait pas à quel endroit il doit stationner. Dans ce contexte, une attention particulière lui est vraisemblablement nécessaire pendant le roulage. Lorsqu'il repère le Bücker de son ami, le pilote relâche son attention, arrête de slalomer et n'assure plus l'anti-abordage.

Annexe 1 :

cheminement du Bücker et emplacements

Annexe 2 :

vue des deux avions après l'abordage

1 La réglementation de la circulation aérienne précise que "le champ de vision du pilote d'un aéronef qui circule au sol est réduit. Il importe donc que le contrôleur d'aérodrome donne à l'aéronef des clairances concises et des renseignements suffisants pour l'aider à suivre ou à choisir la bonne voie de circulation, et à éviter un abordage ou une collision avec d'autres aéronefs, des véhicules, personnels ou obstacles"